Comment s’est
déroulé l’audience du 5 août 2025 ?
Avec ces nouvelles autorisations de pompages et de travaux sur les installations, nos associations dénonçaient l’absence
d’étude d’impact préalable à ce nouvel arrêté préfectoral réclamant que la loi sur l’eau et l’intérêt général soient enfin
respectés. L’audience s’est donc tenue devant le Tribunal Administratif de Clermont-Ferrand, sis 6 rue Cours-Sablon, le 5
août dernier, en présence de notre avocat, de celui de la préfecture du Puy-de-Dôme et de celui de la Société des Eaux de
Volvic. La petite salle d’audience était comble. Une trentaine de personnes, venues initialement participer à une
manifestation silencieuse et pacifique devant le tribunal, en soutien au travail de nos associations, y avaient pris place
et ont ainsi pu assister aux échanges dans le plus grand calme.
Assez techniques, les débats du jour ne touchaient pas le fond de l’affaire ; c’est-à-dire la question de la ressource en
eau par elle-même et de sa répartition inéquitable au regard de l’aspect excessif des autorisations. Cette dernière
question, bien sûr cruciale, fait l’objet d’un recours au fond qui ne sera examiné que dans le courant de l’année 2026.
Nous vous en reparlerons.
Pour l’heure il n’était donc question que de la forme. Autrement dit, il s’agissait de déterminer si le nouvel arrêté
préfectoral respectait, oui ou non, les lois et règlements en vigueur. En l’espèce, de savoir si cet arrêté, pris dans le
cadre de modifications et création de nouvelles installations par la SEV, avait pour but d’autoriser la mise en place d’un
nouveau projet industriel — auquel cas la réalisation d’une étude d’impact aurait été obligatoire — ou s’il s’agissait
simplement d’autoriser la poursuite d’une activité déjà en cours.
La nature des travaux entrepris par la SEV : fermeture du forage F1, report sur le forage F4 et construction de 2
réservoirs dans l’usine — nous faisait dire qu’il y avait bien là un projet industriel nouveau, bouleversant
significativement les process de l’usine du Chancet, et nécessitant donc la réalisation d’une étude d’impact, conformément
au code de l’environnement ; étude qui n’a pourtant jamais été diligentée.
Quid des
plaidoiries des avocats ?
Après une plaidoirie particulièrement sérieuse et argumentée, notre avocat laissa la parole à son homologue de la
préfecture, qui, à l’issue d’un exposé clair et bien construit, en dépit d’arguments contestables et sujets à caution,
conclut, sans surprise, à la parfaite conformité de l’arrêté.
Mais c’est quand l’homme de loi de la préfecture céda la place à son homologue défendant la Société des Eaux de Volvic
que l’audience tourna soudain à la farce. Se croyant sans doute dans une cour d’assises, et ne ménageant ni sa gouaille
ni ses effets de manches, tout au long d’une plaidoirie aussi décousue qu’outrancière, l’avocat de la SEV, après avoir
réclamé 10.000 € à nos associations au titre des frais engagés par son client, se mit à les dénigrer et les railler
ouvertement.
Se saisissant du fait que notre recours était une première en soixante ans d’existence de l’usine d’embouteillage, le
champion de chez Danone crut ainsi spirituel d’en déduire que nous venions sans doute seulement d’apprendre son
existence. … Et quand bien même cela serait : en quoi cela retirerait-il la moindre parcelle de légitimité à notre
action ? On l’ignore. Mais cette pique méprisante n’était, nous n’allions pas tarder à le découvrir, que le tour
de chauffe d’un discours victimaire de haut vol où la Société des Eaux de Volvic, victime d’un complot des écolos
radicaux, était au bord du précipice !
Propos de l’avocat de la
SEV : « La SEV n’est pas une entreprise commerciale ! Non ! C’est une entreprise
sanitaire ! »
« Annuler cet arrêté préfectoral ? Vous n’y pensez pas ! L’usine serait contrainte à la
fermeture ! » (SPOILER ALERT : c’est FAUX, car on reviendrait automatiquement à
l’application de l’arrêté précédent en attendant qu’une étude d’impact soit diligentée)
« Que deviendraient alors ses centaines d’employés, Madame la Présidente ? Victimes innocentes de la folie de
quelques excités ! D’autant que la SEV, Madame la Présidente, la SEV n’est pas une entreprise commerciale !
Non ! C’est une entreprise sanitaire ! »
Oui, oui, vous avez bien lu, d’après son avocat, la SEV est une « entreprise sanitaire ». Vous le savez,
PREVA ne s’oppose nullement à ce que perdure une activité industrielle d’embouteillage de l’eau à Volvic, à
condition, bien sûr, que celle-ci respecte les priorités d’usage de l’eau définie par la loi, et que l’état de
la ressource en eau permette une telle activité, mais tout de même ! Drôle d’entreprise sanitaire que
celle-ci ! Qui ne produit que des bouteilles en plastique pour y enfermer une eau jusque-là pure, y ajouter
du sucre pour
son activité Volvic fruit et l’expédier aux quatre coins de la planète dans des pays qui ne manquent pas d’eau
potable ! Drôle d’entreprise sanitaire qui se débarrassait jadis de ses déchets plastiques en pleine nature,
là-même où tombe l’eau qu’elle met ensuite en bouteilles pour ses « patients » !
Nouveau propos de
l’avocat : « Suspendre la fourniture d’eau de Volvic…Dans les EHPAD, nos aînés, que va-t-on leur donner à
boire ? »
Et la défense de la SEV de poursuivre : Suspendre la fourniture d’eau de Volvic dans les supermarchés ?
Mais que vont devenir les nourrissons, Madame la Présidente ? Et dans les EHPAD, nos aînés, que va-t-on leur
donner à boire ? De l’eau de Norvège ? C’est ça que nous voulons dans les rayons de nos supermarchés ?
De l’eau de Norvège plutôt que de la Volvic ?!
Vous imaginez sans peine l’effarement général dans la salle d’audience, exception faite de la Présidente du tribunal
qui ne parut guère s’étonner de cette succession d’arguments grand guignolesques, insultant quelque peu son
intelligence, et décrivant le groupe Danone comme un auxiliaire de santé publique, avant tout préoccupé de l’intérêt
général et du bien-être de l’humanité. Cela pourrait prêter à rire si le sujet n’était pas si grave. Mais si le
bateleur employé par notre multinationale préférée fut très disert en matière de pleurnicheries, il fut en revanche
beaucoup plus discret quant à la raison de notre présence dans cette salle d’audience ; à savoir déterminer si oui
ou non l’arrêté de la préfecture était légal.
Les arguments développés à ce sujet montrèrent une certaine impréparation du dossier. L’individu évita largement le
sujet en vantant les économies d’eau promises par la baisse des autorisations préfectorales de 5% ; omettant
évidemment de préciser que les nouvelles autorisations de pompages étant toujours supérieures aux besoins de l’usine en
la matière, elles n’occasionneraient aucune baisse des prélèvements réels. Se contentant pour le reste de constater
l’ancienneté de l’usine d’embouteillage (1965), dont la création était antérieure à la loi invoquée, laquelle ne
pouvait donc se montrer rétroactive à son égard — ce que personne ne demandait — et de marteler que les travaux étant
déjà en cours ou réceptionnés, le forage F1 déjà fermé et isolé, tout retour en arrière était impossible. Bref, la
politique du fait accompli.
Les 3 associations condamnées
à payer des frais de 1500 euros à la SEV !
Une plaidoirie bien peu soucieuse de la vérité, donc, et dont on peut s’étonner qu’elle ait eu suffisamment de poids à elle
seule pour faire basculer la décision du tribunal. Ce dernier a donc statué sur une ordonnance de rejet à l’égard du
recours formé par nos associations ; nous condamnant en outre à 1500 € de dédommagements à la SEV. Si la pratique est
courante en matière de justice administrative, elle demeure cependant peu fair play vis-à-vis d’associations loi de 1901,
totalement désintéressées, et constituées de simples citoyens mobilisés pour défendre l’eau de Volvic, bien commun de la
nation, s’efforçant de faire valoir leurs droits face à l’une des plus grandes multinationales européennes.
Quoi qu’il en soit, cette décision décevante au détriment de nos associations n’est qu’une étape, une première bataille ;
le début d’un combat judiciaire dont le prochain round, beaucoup plus important celui-là, nous attend en 2026 à l’occasion
d’un jugement sur le fond. L’objectif est d’obtenir une réduction des pompages de la SEV pour permettre ainsi une
répartition équitable de la ressource dans le bassin volvicois, conformément à la loi en vigueur avec un débit réservé sur
les sources de front de coulée.
Quelle suite à donner au jugement
du référé ?
En ce qui concerne ce recours sur la forme dont nous venons d’être déboutés, nos 3 associations ont décidé de ne pas se
pourvoir devant le Conseil d’Etat, seule démarche possible pour s’opposer au jugement du référé. Plusieurs raisons
expliquent cette décision retenue en concertation avec le cabinet d’avocat : le coût élevé associe à ce recours, les
chances estimées comme faibles par l’avocat d’avoir gain de cause. Il est donc préférable de ne pas gaspiller nos forces et
nos fonds dans cette affaire pour nous concentrer sur la vraie bataille à mener : celle du recours au fond.